Des ressources humaines à la médiation
A l’agence de l’eau Adour-Garonne, Roselyne Zapata occupe le poste de conseillère médiatrice-RH en interne.
Quels sont les contours de votre poste ?
Depuis mai 2023, j’occupe le poste de conseillère médiatrice-RH en interne à 70% de mon temps. Cette mission est complétée par la coordination de dossiers et chantiers R.H en inter – agences ; six agences de l’eau sont réparties sur le territoire français. J’ai donc quitté les fonctions régaliennes de DRH – poste que j’occupais depuis 2009 – ainsi que la gestion des relations sociales, pour me consacrer à ma nouvelle mission, menée en étroite collaboration avec la Direction Générale.
Mes missions sont variées : il s’agira en particulier d’anticiper, de prévenir et/ou de désamorcer les points de blocage et les incompréhensions internes par la facilitation ou la médiation. Mais aussi, de mener différentes actions dans le but de favoriser un bon climat social et de veiller au bon fonctionnement du collectif de travail. En parallèle, je conserve ma mission de référente égalité Femme/Homme et de référente « signalements internes » en lien avec la procédure externe de signalement en matière de violence, de discrimination, de harcèlement moral, sexuel, et des agissements sexistes.
Comment êtes-vous venue à la médiation ?
Au cours de mes diverses et longues expériences professionnelles dans les Ressources Humaines – plus de 33 ans dans le secteur public et privé – j’ai combiné, en fonction des circonstances et des demandes, différentes techniques de résolution amiable des conflits : l’arbitrage, la conciliation, la négociation. Intuitivement j’ai mis en pratique également la médiation mais sans en adopter toutes les techniques et sans l’afficher officiellement. Au fil du temps, j’ai souhaité enrichir ma boite à outils et mes connaissances en suivant en 2015 une formation certifiante, puis diplômante de médiateur, en 2018. Mon objectif étant de disposer d’acquis théoriques et méthodologiques afin de me professionnaliser pour intervenir en tant que médiatrice interne et externe. Directrice des ressources humaines, j’ai ressenti récemment le besoin de m’orienter plus spécifiquement vers le conseil, l’accompagnement des directions, des équipes, des agents dans la résolution de situations de blocages, d’incompréhensions, afin de prévenir, de désamorcer des situations qui nuisent à un bon fonctionnement du collectif de travail et de veiller ainsi à un bon climat social. Un bilan de carrière m’a confortée dans ce choix.
Quels sont les avantages de la double casquette de DRH et médiatrice ?
Mes missions en tant que DRH m’ont amenée très régulièrement à intervenir dans de multiples situations où les techniques et les outils de la médiation ont été utiles, à savoir : l’écoute active, l’empathie, la confidentialité, la congruence, la neutralité. Mon rôle était avant tout un rôle de facilitatrice de la communication afin de fluidifier un dialogue interrompu et de favoriser des relations durables. L’une de mes missions était de veiller au bon climat social et je participais activement aux instances représentatives du personnel. Adjointe au Responsable Sécurité́ Santé au travail, mes interventions dans la résolution de conflits et l’obtention de résultats probants ont contribué à renforcer ma légitimité et à gagner la confiance du collectif. Au fil du temps, j’ai ainsi été de plus en plus sollicitée en qualité de « médiatrice ».
Quel est l’intérêt de la médiation interne ?
Tout d’abord, la présence sur les lieux du travail est un avantage incontestable. Cela permet d’être vigilant sur les signaux d’alerte de tensions et de souffrances, exprimées ou non. Les situations de retrait, l’absentéisme ou le présentéisme peuvent par exemple être des indicateurs de malaise. Le médiateur interne a aussi l’avantage d’avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l’organisation, de son évolution, de ses réorganisations. Il connait aussi l’historique des carrières de chacun et peut faire preuve de disponibilité lors d’entretiens formels ou informels. En particulier, avec les managers qui sont les premiers acteurs de la qualité́ de vie au travail. Par ailleurs, ma casquette de DRH m’a permis de bien connaitre les acteurs internes et externes : conseiller en prévention, inspecteur santé et sécurité au travail, médecin du travail, assistante sociale, représentants du personnel…Ce sont des relais essentiels d’alerte et de soutien.
Et ses limites ?
Le médiateur interne « double casquette » peut, il est vrai, rencontrer des difficultés dans la conduite de sa mission liée à la résolution des conflits. Je l’ai vécu en tant que DRH-médiatrice, du fait de mon positionnement de cadre au sein de l’organisation et membre du comité́ de direction. Au niveau de la neutralité, cela n’a pas toujours été évident en effet pour les médiés. « Vous ne nous comprenez pas ! », « Vous êtes du côté de la Direction ! » m’a-t-on lancé un jour dans une équipe…Ce genre de remarque m’a fait prendre conscience que dans certaines situations, l’intervention d’un tiers extérieur était préférable. Une autre limite est liée à l’obligation de moyens, à la confidentialité à laquelle est soumis tout médiateur externe. En interne, c’est parfois une obligation de résultat qui prévaut aux yeux de la hiérarchie. Au médiateur interne de bien préciser ce point dans sa mission.
Qu’est ce qui est le plus satisfaisant dans votre mission ?
Ce qui est le plus satisfaisant pour moi, c’est d’amener les agents à se sentir mieux, à cheminer vers une solution satisfaisante, à retrouver de la sérénité. Les situations d’incompréhension ou de conflits au travail, qu’ils soient ouverts ou larvés sont souvent très difficiles à gérer, avec un impact sur la motivation et sur la santé. Le fait de permettre aux agents d’exprimer leurs difficultés, de libérer la parole, c’est tellement satisfaisant et puissant dans la résolution de conflits. Pour le médiateur, c’est très prenant au niveau de l’énergie mobilisée et cela nécessite de disposer de qualités d’animation, de diplomatie et de confidentialité associées à une grande capacité d’écoute.
Quelle est la place de la communication en médiation interne ?
J’ai l’avantage d’être connue et reconnue en interne. Je crois à la politique des petits pas, du retour d’expérience et du bouche à oreille. C’est à moi de prouver ma valeur ajoutée dans cette fonction et de renforcer ma légitimité. Même si cette mission m’est venue assez naturellement, du fait de mes précédentes fonctions. La communication est néanmoins essentielle pour développer la médiation en interne. Une lettre de mission définit ma fonction et mon rattachement à la Direction générale adjointe et en lien fonctionnel avec l’ensemble des opérationnels, des directions et de la DRH. C’est un gage de réussite de mes missions. Ce lien fonctionnel me permettra d’intervenir avec autonomie et légitimité en interne.
Ma nomination validée en CSA a été officialisée dans l’organisation. J’ai tenu à garder terme de « conseillère » et pas uniquement de médiatrice, car j’interviens aussi dans l’accompagnement. Je prévois aussi dès que possible d’organiser une tournée des départements et des délégations de l’Agence pour présenter et expliquer mes missions
Quels sont vos axes de travail en tant que conseillère-médiatrice-RH interne ?
Je compte intervenir sur les trois niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire. Autrement dit, pas seulement en curatif, mais aussi en prévention, à la source, avant que le conflit éclate. C’est selon moi à cette condition que la médiation interne peut vraiment être un outil efficace de prévention des risques psychosociaux. Dans cette perspective, un audit interne permettra de dresser un état des lieux des problématiques rencontrées sur le terrain. C’est selon moi l’étape préalable à la réalisation d’un plan d’action pour contribuer à renforcer la qualité de vie au travail. »
Propos recueillis par Marie-José Gava