A Pôle Emploi Nouvelle-Aquitaine, Christophe Charpateau se consacre à la prévention des risques psychosociaux et à l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail. En parallèle, il est aussi Référent de premier niveau en médiation interne, pour la région Nouvelle Aquitaine. Focus sur des missions étendues, en lien avec la prévention.
Vous êtes Conseiller en prévention des risques psychosociaux, chargé des conditions de vie au travail à la Direction régionale Nouvelle-Aquitaine de Pôle Emploi. Comment avez-vous intégré ce poste ?
J’ai été recruté suite à une annonce, relayée par mon réseau professionnel. Pôle Emploi recherchait un expert en prévention des risques psychosociaux, suite à la signature du premier accord QVT, en 2017. J’ai immédiatement envoyé mon C.V. 24 heures plus tard, j’étais contacté. Trois jours après, je décrochais un entretien. Dix jours plus tard, j’étais embauché !
En quoi consiste votre mission ?
J’ai très vite été sur le terrain, sur une vaste zone géographique comptant près de 1300 agents. Au sein d’une équipe de cinq préventeurs, je participe à l’élaboration du Programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, je contribue à l’intégration des risques psychosociaux dans le document unique, j’accompagne le management dans la politique QVCT, j’anime des espaces de discussion…
En parallèle, je participe au dispositif interne de signalement que tout agent peut saisir en cas d’allégation de harcèlement, de violence ou de mal-être professionnel. Dans ce cadre, j’ai été mandaté par ma hiérarchie pour formaliser un dispositif d’enquête interne et mettre en place des formations dans différentes Directions. J’ai également été chargé d’accompagner les agences dans le cadre du Baromètre interne Pôle Emploi (BIPE) pour analyser les données et déployer un plan d’action adapté.
La prévention et la gestion des conflits entre-t-elle aussi dans vos missions ?
Depuis 2021, une collègue et moi avons été identifiés à Pôle Emploi comme référents de premier niveau en médiation interne, pour la région Nouvelle Aquitaine. Notre attribution découle du dispositif mis en place à la Direction Générale, à Paris, dans le cadre de l’accord sur la qualité de vie au travail. Déployé sur tout l’Hexagone, ce dispositif baptisé MERCI – (Médiation pour Résoudre les Conflits Internes) permet à tout agent, quelle que soit sa fonction, d’y avoir recours. En ce qui me concerne, ma mission consiste à analyser les situations conflictuelles, puis, le cas échéant, à proposer aux agents une médiation. Celle-ci étant conduite par un médiateur interne de Pôle Emploi, venant d’une autre région, afin de garantir la neutralité. A nous ensuite d’organiser son intervention, en choisissant notamment le lieu des entretiens, le plus neutre possible. En parallèle à cette mission, ma collègue et moi intervenons en prévention secondaire, lors de sensibilisation au dispositif MERCI et de formations à la prévention et à la gestion des conflits. Par le biais de ces actions, j’interviens en somme en médiation préventive, pour aider les agents à repérer les signaux de tensions et à les traiter avant qu’elles ne dégénèrent. Dans ma pratique pédagogique, j’essaie d’être au plus près des situations vécues par chacun ; cela crée une dynamique et laisse la place aux échanges.
Quelles qualités et conditions sont nécessaires pour exercer votre fonction ?
Le sens de la communication, les capacités d’analyse et de synthèse sont bien sûr indispensables. Il est aussi essentiel d’être fiable émotionnellement et d’avoir une bonne maturité psycho-affective. En effet, le conseiller en prévention des RPS est amené à accueillir des personnes fragilisées, stressées, en colère, agressives… Il faut donc être en capacité de mettre des mots sur leurs états émotionnels, avec bienveillance et empathie. Mais si la situation l’impose, il faut accepter d’orienter la personne en difficulté vers un autre acteur de la prévention. Il est aussi important d’avoir conscience de ses propres limites pour se protéger, car on ne peut pas tout absorber. Une autre qualité nécessaire, selon moi, est la capacité à prendre de la hauteur, afin de rendre les salariés acteurs. J’essaie de leur apporter un éclairage systémique, je les invite à explorer les scénarios possibles pour se sentir mieux dans leur travail. Avec mes mots, sans prendre un ton professoral, donneur de leçon ou moralisateur.
Se ressourcer, s’appuyer sur la littérature sur le travail me semble aussi essentiel pour bien exercer mon métier. Je m’inspire souvent des approches du sociologue Vincent de Gaulejac et de Christophe Dejours, spécialiste en psycho-dynamique du travail. Leur vision du travail et du « bel ouvrage » – thème cher à ce sociologue – est très éclairante. Ces lectures incitent à se questionner sur la notion d’épanouissement au travail. Je pense que c’est aidant lors d’entretiens avec des agents en difficulté. Cela facilite la prise de conscience, permet de déculpabiliser et de se remettre en mouvement.
En tant que conseiller en prévention des RPS, comment être influent sans être « politique » ?
Il s’agit d’être diplomate, pas politique. Ce n’est pas en étant « politique » que le conseiller peut se sortir d’une situation où il risque lui-même d’être instrumentalisé. Pour exercer cette fonction, si on n’a pas de tempérament, impossible de tenir ! Pour ma part, j’ai un crédo : être toujours au clair avec mes attributions et savoir défendre mes positions, sans envenimer la situation. Il m’arrive d’être en colère contre l’organisation, eh bien, je l’exprime, je le dis ! Je parle toujours avec mes tripes. Pour moi, savoir dire : « Non, je ne suis pas d’accord », même au plus haut niveau de la hiérarchie, c’est une force. Bien sûr, il s’agit d’argumenter avec diplomatie : lorsque je pointe telle ou telle décision qui ne me parait pas acceptable, j’explique mon point de vue, je mets en évidence l’impact que j’y vois à tous les niveaux : au niveau de l’organisation, des équipes et des individus. Mon attitude n’est pas toujours politiquement correcte, j’en ai bien conscience ! Mais elle n’est pas liée à une quelconque volonté de me démarquer pour me faire remarquer. Dès lors qu’on intervient dans la prévention et le champ psychosocial, on touche à des problématiques délicates, voire tabou. Aussi, pour faire bouger les lignes, je considère qu’il faut savoir dire les choses, sans détour. C’est à cette condition que je peux pleinement jouer mon rôle de régulateur social. Selon moi, un conseiller doit être en capacité d’assumer ce positionnement. S’il se fond dans le collectif, il ne pourra pas assumer bien longtemps sa mission.
En quoi consiste ce rôle de « régulateur social »?
Je suis en effet convaincu de mon rôle de régulateur social au sein de Pôle Emploi. Je suis porté par la démarche de prévention qui y est engagée, avec des thématiques fortes comme la « gouvernance partagée », « la performance par la confiance », l’intelligence collective, l’agilité…Comme mes pairs préventeurs dans l’équipe, je suis porté par cette philosophie du mieux travailler ensemble. J’ai à cœur d’insuffler une meilleure coopération, d’aider chacun à trouver des repères dans son travail et des leviers pour le vivre du mieux possible. Je dois aussi avoir un rôle de soutien auprès des managers face à leurs équipes. Il s’agit de les aider à maintenir la coopération et une communication saine afin de préserver l’équilibre dans le collectif. Afin que chacun ait ce sentiment d’accomplir un « beau travail », de se sentir utile… Pour exercer ce rôle de régulateur social, je dois néanmoins me positionner comme un « révélateur » capable de déceler et de mettre à jour les dysfonctionnements, les irritants, les contradictions dans le système…Ce, dans l’intérêt de tous, employeur, managers, agents. Ma mission n’est pas toujours visible, mais elle est de plus en plus reconnue en interne, il me semble. Récemment, une responsable RH en a fait le constat : « J’ai conscience du travail incroyable que vous faites au quotidien : vous déminez le terrain, vous désamorcez les conflits, vous recréez du lien ! » m’a-t-elle dit. C’est vraiment satisfaisant pour nous de se sentir utiles et reconnus ! Accompagner les salariés pour que leur travail soit une source d’épanouissement, participer à cette fameuse « esthétique du bel ouvrage »… En tant que préventeur, ces missions me tiennent tellement à cœur ! C’est là ma modeste contribution, sur le terrain, au quotidien. »