MÉDIATEUR INTERNE ITINÉRANT
Après une carrière à l’étranger de 25 ans, en tant que directeur commercial dans le secteur de l’agro-alimentaire, Marc Casteiltort, fort de son expérience au sein d’un CHSCT de France Travail (anciennement Pôle Emploi), s’est investi dans la médiation interne. Il conduit aujourd’hui des missions dans tout l’Hexagone.
Comment êtes-vous venu à la médiation ?
En 2007 à 48 ans, lors de la fusion ASSEDIC-ANPE j’ai eu l’opportunité d’entrer à Pôle Emploi, mon profil de commercial étant recherché par la nouvelle entité que devenait Pôle emploi. Rapidement il m’a été proposé de rejoindre l’instance CHSCT. Lors de mes mandatures, j’ai été amené à tenter de comprendre l’origine de conflits interpersonnels, mais aussi de les gérer. Je me suis aperçu que mes interlocuteurs, essentiellement mes collègues, me faisaient confiance, se livrant assez facilement lors de nos échanges. A l’occasion de ces nombreuses expériences, ma facilité d’écoute active m’a permis de dénouer les situations difficiles et de favoriser la construction de solutions. Malgré cela, il me manquait les outils nécessaires à la résolution de conflits plus complexes. En évoquant ce sujet avec une collègue qui s’était formée à la médiation, j’ai eu envie de suivre une formation de médiateur en entreprise afin d’acquérir les outils nécessaires et de me perfectionner. A l’époque, la médiation n’était pas encore en place à Pôle Emploi. C’était motivant. Je me suis lancé, finançant moi-même ma formation, un diplôme universitaire.
Comment est organisée la médiation interne à France Travail aujourd’hui ?
En 2017, La Direction Générale de Pôle emploi a créé la cellule MERCI. Il s’agit d’un dispositif de résolution des conflits entre agents, issu de l’accord qualité de vie au travail de mars 2017. Depuis mars 2020, cet accord s’est élargi à la médiation collective. Mon diplôme obtenu en 2019, j’ai candidaté et intégré la cellule MERCI. Nous sommes actuellement une dizaine de médiateurs internes. Les missions de médiations étant ponctuelles, chaque médiateur interne exerce d’autres missions en parallèle, souvent en lien avec les services RH ou QVT dans les différentes Directions régionales. Mon agence de rattachement étant Perpignan, déontologiquement, il ne m’est pas permis d’intervenir en Occitanie, c’est un principe de base. Je me positionne donc uniquement sur des missions de médiation dans les autres régions. Il est évident qu’en raison de l’étendue du territoire et du peu de médiateurs mobilisés, je suis amené à me déplacer très régulièrement. Je partage mon temps entre ma fonction de conseiller en agence et la médiation, pour 20% de mon temps. Peu à peu, cette mission de médiateur interne à Pôle emploi a occupé plus de 60% de mon temps. Le processus de médiation à France Travail est déclenché dès lors que la Direction Générale reçoit une demande de médiation. Cette demande est formulée par un correspondant régional en médiation – qui n’est pas forcément un médiateur. Les référents médiation interne proposent aux médiateurs du réseau de se positionner en fonction de leurs disponibilités.
Quels types de conflits traitez-vous ?
Au début, les conflits que je traitais étaient principalement des problèmes de communication interpersonnelle entre deux personnes pouvant impliquer bien souvent, des « ghost », des fantômes, c’est-à-dire, une tierce partie génératrice du conflit. Aujourd’hui, les demandes sont essentiellement des demandes de médiations collectives. Les sujets de conflits impliquent un service, voire une agence. Les médiations collectives demandent une autre organisation beaucoup plus lourde, puisqu’elles impliquent deux médiateurs internes formés à la médiation collective. Je gère aussi des médiations collectives. La plupart du temps, ce sont des facteurs organisationnels qui sont sources de conflits. En mobilisant une boîte à outils acquise en formation et en utilisant les outils de l’intelligence collective, je travaille avec les médiés à un plan de sortie de crise. S’ils en sont d’accord, leurs pistes de solutions peuvent être relayées à leur N+1. En interne, la procédure administrative nous impose de suivre un processus précis. Nous faisons signer une convention d’entrée en médiation aux médiés et de fin de médiation. Je rappelle systématiquement le fait que les médiateurs ont une obligation de moyens et non de résultat et que les acteurs principaux de la médiation, ce sont les médiés eux-mêmes. En imposant le cadre de la médiation, respect, confidentialité, neutralité, impartialité, je permets à toutes les parties de s’exprimer ; il s’avère que ce n’est en aucun cas un frein à la médiation interne.
Au niveau de la posture du médiateur, qu’est-ce qui est le plus difficile ?
Il s’agit de trouver la bonne distance entre soi et les médiés, et d’éviter plusieurs écueils. Le premier : en tant que médiateur, il convient de s’appuyer sur la psychologie, mais en aucun cas d’intervenir en tant que psychologue. Parfois, les médiés peuvent en effet être tentés de confondre un entretien de médiation avec une séance de psychanalyse. Etre écouté par un tiers neutre et bienveillant apaise les tensions. En tant que médiateur, je fais en sorte de ne pas jouer un autre rôle. Le second écueil, est lorsque les médiés peuvent penser que le conflit est résolu, alors qu’en tant que médiateur, au fil des entretiens individuels et confidentiels, il semble que tout n’a peut-être pas été évacué. Il faut donc être en capacité d’analyser tous les signes, les non-dits, mais aussi toute la gestuelle des médiés. Le médiateur passe, les médiés restent… Ils seront contraints, peut-être de travailler longtemps côte à côte. Je leur dis parfois : « Je vais partir et vous allez vous retrouver face à face au travail. Vous ne devez donc pas me faire plaisir ! ». En tant que médiateur, je les encourage à entrer en médiation en les assurant que la médiation est une véritable chance pour eux de pouvoir résoudre un conflit. Le médiateur ne doit pas sous-estimer le mal être des médiés mais il ne doit en aucun cas vouloir résoudre un conflit à tout prix. Enfin, une autre difficulté est le moment qui suit l’après réunion de médiation. De par son intensité, c’est un moment qui remue les médiés autant que le médiateur. Il n’est pas rare de se sentir épuisé. Un temps de ressourcement est indispensable.
Qu’est-ce qui est satisfaisant dans votre mission ?
Ma plus grande satisfaction, en tant que médiateur, est de voir la finitude de ce processus, le fait d’aider les médiés à échanger et à bâtir petit à petit un plan d’action. Par l’écoute active et la technicité, c’est de parvenir à ce que deux personnes ou un collectif qui ne s’entendent plus et qui ne veulent plus travailler ensemble, se mettent d’accord et acceptent de retravailler ensemble. Bien souvent, les médiés en arrivent au conflit en raison de problématiques liées à l’organisation interne ou à des consignes non comprises à France Travail. Leur discorde provient parfois de points de détails qui dégénèrent et finissent par les dépasser. Ce qui est difficile à concevoir, ce sont des personnes qui peuvent être en souffrance et qui n’arrivent plus à se parler. L’important, cela devrait être que chaque collègue quel que soit son niveau hiérarchique puisse se témoigner de respect au travail – je préfère le terme de respect à celui de bienveillance, trop galvaudé – afin d’exercer sa mission dans les meilleures conditions. »
Propos recueillis par Marie-José Gava